Fait Divers

Une petite nouvelle, toute fraîche, à peine écrite. C'est un premier jet, vraiment, limite brouillon ; l'idée m'a trotté dans la tête toute la journée, et, au final, je n'obtiens pas vraiment ce que je recherchais. Je pense que je la reprendrai, certainement la réécrirai autrement, sur la même idée, plus tard. Ou que je retravaillerai celle-ci et en écrirai une autre, correspondant plus à ce que je recherchais.

Fait divers

Les lunettes tombent sur le sol, et se brisent dans un craquement sinistre.

Les pneus crissent alors que le véhicule s'arrête devant l'hôpital. Elle en sort rapidement, et ferme les yeux en sentant le vent chatouiller agréablement ses cheveux. C'est une belle journée de printemps, qui aurait pu être belle, si tout cela n'était pas arrivé ; elle chasse cette pensée de son esprit et reprend sa route, à travers les couloirs.

L'odeur de l'hôpital l'incommode quelque peu – elle n'a jamais aimé cette odeur de désinfectant – mais elle ne s'en plaint pas, écoutant les mots des infirmières, qui indiquent le chemin à prendre. Elle ne traîne pas davantage : après tout, elle a un rendez-vous, aujourd'hui. Il n'était certes pas prévu ce matin... Ou peut-être que si. Elle l'ignorait, voilà tout.

Encore un couloir. Encore une porte à franchir. Encore. Elle cille, lentement. La lumière l'aveugle, ici. Il fait un peu plus froid, aussi. C'est sans doute ici qu'aura lieu son rendez-vous.

« Madame ? Madame, vous m'entendez? »

Un « bip » retentit, régulier, lent. La voix lui parvient comme au travers de coton. Elle le distingue mal, avec toute cette lumière.

Aucun doute, songe-t-elle. C'est bien ici qu'aura lieu son rendez-vous. Elle le sait, alors que le froid s'enfonce dans ses os.

C'est ici qu'elle a rendez-vous avec la Mort.

Il plie le journal en ronchonnant, agacé. Il vient de lire la brève des faits divers, à côté de laquelle un article un peu plus gros occupe l'espace, qui, selon lui, aurait pu être mieux utilisé.

« Alors, demande sa femme, quoi de beau aujourd'hui ?
- Rien de bien probant. Ils en font encore tout un plat sur l'agression d'une prof, hier.
- Une agression ? Bah, de nos jours, on n'est plus en sécurité nulle part, de toute façon ; les profs ne font pas exception.
- Ouais. Mais eux, ils ont droit à des articles de journaux. Toi ou moi, on se ferait agresser dans la rue ainsi, on fera une vague apparition dans la rubrique nécrologique, et ça s'arrêterait là. »

C'était vrai, ça. Pourquoi ces fainéants auraient-ils plus d'importance, hein ? Une personne qui meurt, quelle qu'elle soit, c'est une famille détruite. Alors voilà. Il abandonne son journal, pour aller travailler, et ne glisse pas davantage ses yeux sur l'article, qui relate la mort d'une professeure de lettres, âgée de vngt-sept ans, retrouvée après avoir été poignardée, décédée des suites de ses blessures.

Mais cela ne fait-il pas parti des risques de son métier ? Lancera un passant, un peu plus tard, le même journal dans les mains.
Ne l'avait-elle pas mérité ? Demandera un autre, naïf.
De toute façon, c'était qu'une salope ! Rétorquera un de ses anciens élèves.
On allait se marier... Soufflera son fiancé effondré, entre deux sanglots.

Le lendemain, tout le monde aura oublié. La vie reprendra son cours. Et plus personne ne se souciera de se demander s'il n'y a pas un problème quelque part, dans la mort de cette professeure de vingt-sept ans, qui n'avait rien fait de plus que de coller un élève qui la harcelait sexuellement.
Non, personne. Parce que personne ne se dit qu'il y a un problème. Parce que ce n'est qu'un fait divers, et qu'il ne nous concerne pas.
Tout va bien.